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Le Nouvel Observateur
14/05/01



 en savoir plus sur SOBIBOR, 14 OCTOBRE 1943, 16 HEURES
 en savoir plus sur Claude Lanzmann
 en savoir plus sur LANZMANN, Claude Un vivant qui passe/ Sobibor, 14 octobre 1943, 16h
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Un entretien avec Claude Lanzmann - C’était à Sobibor
Jérôme Garcin

En 1943, dans un camp d’extermination, les victimes ont tué tous leurs bourreaux. Un film réalisé par l’auteur de « Shoah »

Le Nouvel Observateur - C’est la première fois que vous allez à Cannes ?
Claude Lanzmann - En tant que cinéaste, oui. Je suis allé dans tous les festivals du monde, mais à Cannes, jamais. « Shoah » était pourtant prêt, en avril 1985. Mais à l’époque, ça n’a pas intéressé le responsable de la sélection Un Certain Regard… Heureusement, le film a été montré aux festivals de Venise et Berlin.

N.O. - Quelle est la signification su titre ?
C. Lanzmann - C’est le 14 octobre 1943, à 16 heures, qu’eut lieu, dans le camp d’extermination de Sobibor, la seule révolte réussie des prisonniers contre leurs bourreaux. Les juifs ont tué, en effet, tous les Allemands dans ce camp qui est situé en Pologne, dans la voïvodie de Chelm, non loin du fleuve Boug sur lequel avait été également construits, en aval et an amont, deux autres camps d’extermination massive de l’Action Reinhardt, Belzec et Treblinka. Décidée, planifiée, exécutée en moins de six semaines, l’insurrection de Sobibor avait été conduite par un officier juif russe…

N.O. - Combien, parmi les insurgés, y a-t-il eu de rescapés ?
C. Lanzmann - Une petite cinquantaine. Car la plupart, après la révolte, ont été tués par les 600 gardes ukrainiens qui étaient là.

N.O. - Dans « Shoah », les Polonais parlaient déjà du camp et de la révolte de Sobibor…
C. Lanzmann - Oui, mais contrairement au parti que j’avais pris pour Treblinka, Auschwitz, Birkenau, il n’y avait pas, dans le film, de protagoniste juif qui témoignait de ce qu’avait été Sobibor. Or j’avais gardé, sans l’utiliser, une interview de Yehuda Lerner que j’avais réalisée en 1979, pendant le tournage de « Shoah ». C’est à Jérusalem, alors qu’il travaillait dans les services de police, que j’avais rencontré cet homme, ce héros, cet extraordinaire trompe-la mort qui avait participé à la révolte de Sobibor. A partir de cette interview, je suis très fier d’avoir fait un vrai film de cinéma. Car je suis reparti, vingt ans après, tourner des plans à Sobibor, dans ces paysages et ces lieux, très beaux et très angoissants à la fois, qui n’ont pas changé, qui semblent immuables. Je suis allé aussi en Biélorussie, dans la région de Minsk, parce que c’est toute l’histoire de Yehuda Lerner que, sans commentaires ni voix off, mon film raconte.

N.O. - Yehuda Lerenr vit-il toujours ?
C. Lanzmann - Oui . Mais je ne l’ai pas revu depuis notre rencontre, en 1979. Je ferai en sorte qu’il vienne à Paris pour la sortie du film.

N.O. - Comme ses compagnons, Yehuda Lerner réfute magnifiquement, par son exemple, l’idée selon laquelle les juifs auraient accepté leur sort et seraient allés à la mort sans se révolter…
C. Lanzmann - Ce David non-violent qui porte le premier coup devient en effet le héraut d’un film mythologique et le maître d’un suspense dont j’ai voulu qu’il croisse jusqu’à la dernière image, à l’instant où se réinstaurent l’ordre humain et le règne de la liberté.

Propos recueillis par Jérôme Garcin

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